De nombreux
aventuriers assoiffés du pouvoir avaient de tout temps existé dans toutes les
nations. Trouvant des oreilles complaisantes, ces hommes se faisaient passer
pour les héritiers « légitimes » du
trône. La plupart des imposteurs périssait sans atteindre leur but mais
certains ont réussi à monter sur le trône.
Le début du
XVIIe siècle est connu en Russie comme « le
temps des troubles ». La mort sans descendance du tsar Fédor, le fil d’Ivan
le Terrible, a mis fin à la dynastie des descendants du semi-fabuleux prince
Rurik qui avait régné en Russie depuis le Xe siècle. Le boyard Boris Godounov
est monté sur le trône. Il était mal vu par le peuple. De surcroît, la rumeur
courait qu’il était impliqué dans la mort du jeune tsarévitch Dmitri, un autre
fils d’Ivan le Terrible. Godounov sévissait contre les mécontents mais la haine
pour le tsar ne faisait que grandir. Lorsqu’une famine s’était déclarée en
Russie en 1601, le peuple a rendu Boris responsable de ce malheur.
Entre-temps,
le jeune homme qui se faisait appeler tsarévitch Dmitri échappé par miracle à
la mort, a fait son apparition à la cour du roi Sigismond de Pologne. Il
implorait le roi de l’aider à destituer « l’usurpateur » Godounov. Les
historiens contemporains sont toujours en polémique au sujet de la personnalité
réelle de cet homme. Ils penchent dans leur majorité pour la version de Boris
Godounov selon laquelle le faux Dmitri serait un moine défroqué au nom de
Grigori. Mais d’autres insistent que l’imposteur était le fils naturel d’un roi
de Pologne.
D’ailleurs,
tant Sigismond que ses dignitaires se fichaient pas mal du vrai nom du candidat
au trône de la Russie. Ils voulaient déstabiliser le pouvoir russe et
s’enrichir à ses dépens. L’imposteur ne tarissait pas de promesses. Il se
disait prêt à transférer à Sigismond les terres russes limitrophes de la
Pologne, promettait aux dignitaires de les combler d’or et au pape de Rome de
convertir au catholicisme la Russie orthodoxe. Comment s’étonner dès lors qu’il
ait bénéficié d’un soutien tous azimuts.
Le faux Dmitri
a franchi la frontière russe à la tête d’une petite armée de mercenaires. Il
n’avait apparemment aucune chance contre l’énorme armée de Godounov mais c’est
là que la haine que suscitait Godounov a joué son rôle. Ses troupes
rejoignaient l’imposteur et les citadins ouvraient devant lui les portes des
forteresses. Brisé par les défaites, Boris Godounov fut foudroyé par une mort
subite. La rumeur courait qu’il s’était empoisonné. En 1605, le faux Dmitri fit
une entrée triomphale à Moscou aux sons des carillons.
L’imposteur
avait cependant à résoudre un problème important. Il devait s’assurer le
soutien de la tsarine Maria, la mère du vrai Dmitri, pour convaincre définitivement
le peuple de sa « légitimité ». Ils se sont rencontrés sans témoins. Nous ne
saurons jamais de qui s’entretenaient la mère qui avait perdu son fils et
l’homme qui se faisait passer pour lui. Pourtant, la tsarine a finalement
annoncé au peuple que le tsar frais émoulu était le vrai tsarévitch Dmitri.
L’imposteur est monté sur le trône der la Russie et le peuple était en liesse.
C’était
l’accomplissement de ses rêves les plus hardis, le voilà le pouvoir tant
convoité. Or, il fallait maintenant régler le roi de Pologne, le pape et ses
propres mercenaires. Venus avec le faux Dmitri, les Polonais se conduisaient à
Moscou comme dans une ville conquise en semant la violence et l’arbitraire. Par
ailleurs, le faux Dmitri lui-même ne se gênait pas avec les Moscovites. Il a
introduit des usages polonais à la cour, ne respectait pas les rites orthodoxes
et raillait publiquement les boyards. La liesse du peuple s’est muée en
frustration et la frustration en indignation : était-ce bien le « vrai » tsar?
Son mariage avec la catholique, la Polonaise Maryna Mniszech proclamée tsarine
de la Russie orthodoxe, est devenu la dernière goutte qui a fait déborder le
vase. Incité par les boyards, le peuple s’est soulevé. Le faux Dmitri a été
tué. La tsarine Maria a renié l’imposteur en assurant qu’il l’avait fait mentir
sous la menace.
Quelqu’un a
affublé le mort d’un masque de bouffon. Par ironie du sort, le masque de
bouffon est devenu la récompense post mortem pour celui qui vivait sous le
masque du tsar. Mais qui était en réalité cet homme? Le mystère reste entier.
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