Des centaines
de livres ont été écrits et de nombreux films ont été tournés sur la crise des
missiles de Cuba survenue en octobre 1962. Les Etats-Unis et l’URSS étaient
alors au seuil d’un conflit armé, et le monde entier suivait les développements
en retenant son souffle. Cependant, la « crise
de Nouvelle-Guinée occidentale » reste dans l’ombre bien qu’elle précède
les évènements cubains de seulement deux mois.
Et ce, alors
qu’une troisième guerre mondiale a failli éclater à cause de ce conflit.
L’humanité a été placée dans cette situation dangereuse par le contentieux qui
opposait l’Indonésie et les Pays-Bas au sujet de l’appartenance de la partie
ouest de l’île de Nouvelle-Guinée. Des marins de la marine de guerre russe ont
participé eux aussi à ce conflit mais il leur était interdit pendant presque un
demi-siècle de raconter leurs souvenirs de leur mission en Indonésie.
Avant le
milieu du XX-ème siècle, l’Indonésie était une colonie néerlandaise. Après la
Deuxième Guerre mondiale, les Indonésiens ont proclamé leur indépendance et
l’ont protégée en combattant contre les colonisateurs. Cependant, les
Néerlandais ont gardé une partie du territoire indonésien, la Nouvelle-Guinée
occidentale. En 1952, le gouvernement néerlandais a consacré la possession de
ce territoire dans la Constitution de son pays. Cela a soulevé un tollé en Indonésie
et un conflit armé couvait. Le président indonésien Soekarno a décidé d’acheter
aux Etats-Unis des armes modernes mais il a essuyé un refus catégorique : les
Pays-Bas étaient un allié des Américains. Soekarno s’est alors tourné vers
l’URSS. Appréciant les avantages géopolitiques de sa coopération avec
l’Indonésie, Moscou a commencé à livrer à ce pays des chars, des avions et des
bâtiments de guerre modernes. Grâce aux livraisons soviétiques, l’armée
indonésienne est devenue une force redoutable.
En 1962, les
autorités indonésiennes ont préparé une opération militaire en vue de libérer
la Nouvelle-Guinée occidentale. Cependant, les Néerlandais ne voulaient pas
céder, les bâtiments de guerre américains et britanniques qui circulaient au
large de la Nouvelle-Guinée raffermissant les colonisateurs dans leur
résolution. Ces navires pouvaient à tout moment attaquer l’Indonésie. Le
gouvernement soviétique a pour sa part décidé de protéger son allié.
En été 1962,
douze sous-marins de la flotte soviétique du Pacifique sont arrivés dans le
port indonésien de Surabaya. Pour garder le secret absolu, les drapeaux
indonésiens ont été hissés sur les submersibles et les marins ont dû mettre des
uniformes indonésiens sans insignes de grade. Avant le mois d’août, des officiers
soviétiques déguisés sont également apparus à bord de navires de surface de la
marine indonésienne. Des pilotes soviétiques étaient eux aussi en état d’alerte
dans des aérodromes militaires. Selon certaines informations, le dispositif de
frappe soviétique en Indonésie comptait jusqu’à 15.000 hommes.
L’opération
militaire a été lancée par les sous-mariniers qui ont pris position devant les
côtes de la Nouvelle-Guinée occidentale. Les Américains se doutaient pour leur
part de la présence de sous-marins soviétiques. Le commandant de la Septième
Flotte américaine a déclaré que les navires américains étaient prêts à attaquer
des cibles sous-marines. « Des sous-mariniers pirates russes sont présents au
large de la Nouvelle-Guinée occidentale », a-t-il été annoncé à la radio dans
plusieurs langues dont le russe. C’était un défi et l’Union Soviétique l’a
relevé. Le commandant en chef de la marine soviétique, l’amiral Sergueï
Gorchkov, a donné l’ordre suivant : « A
partir du 10 août, 00h00, détruire les bâtiments de guerre qui progressent en
direction de la Nouvelle-Guinée occidentale sous quelque pavillon que ce soit
». Les militaires se préparaient à une bataille mortelle et les diplomates
menaient des négociations exténuantes qui duraient de nombreuses heures. Mais
quelques heures avant l’expiration de l’ultimatum, les Néerlandais ont cédé.
Ils comprenaient que de toute façon, un conflit avec l’Union Soviétique
n’augurait rien de bon. La crise s’est terminée. La Nouvelle-Guinée occidentale
est devenue une province indonésienne. Les sous-mariniers soviétiques ont
regagné leur pays où ils ont été accueillis en héros.
En 2010, la
Russie et l’Indonésie ont célébré le 60-ème anniversaire de l’établissement de
leurs relations diplomatiques. Pendant des solennités, le chef d’état-major de
la marine indonésienne Tedjo Edhy Purdijatno a évoqué un monument érigé dans la
base navale de Surabaya. Ce monument représente un piédestal surmonté d’un des
sous-marins soviétiques qui ont participé à la navigation vers la Nouvelle-Guinée
occidentale. Après la victoire sans effusion de sang sur les Néerlandais,
l’URSS a offert ce navire à l’Indonésie. Les Indonésiens gardent toujours le
souvenir de ceux qui les ont aidés à se débarrasser de colonisateurs et à
réunifier le pays.
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