jeudi 1 janvier 2015

Les mystères de l'histoire russe. Une mission en Indonésie


Des centaines de livres ont été écrits et de nombreux films ont été tournés sur la crise des missiles de Cuba survenue en octobre 1962. Les Etats-Unis et l’URSS étaient alors au seuil d’un conflit armé, et le monde entier suivait les développements en retenant son souffle. Cependant, la « crise de Nouvelle-Guinée occidentale » reste dans l’ombre bien qu’elle précède les évènements cubains de seulement deux mois.

Et ce, alors qu’une troisième guerre mondiale a failli éclater à cause de ce conflit. L’humanité a été placée dans cette situation dangereuse par le contentieux qui opposait l’Indonésie et les Pays-Bas au sujet de l’appartenance de la partie ouest de l’île de Nouvelle-Guinée. Des marins de la marine de guerre russe ont participé eux aussi à ce conflit mais il leur était interdit pendant presque un demi-siècle de raconter leurs souvenirs de leur mission en Indonésie.

Avant le milieu du XX-ème siècle, l’Indonésie était une colonie néerlandaise. Après la Deuxième Guerre mondiale, les Indonésiens ont proclamé leur indépendance et l’ont protégée en combattant contre les colonisateurs. Cependant, les Néerlandais ont gardé une partie du territoire indonésien, la Nouvelle-Guinée occidentale. En 1952, le gouvernement néerlandais a consacré la possession de ce territoire dans la Constitution de son pays. Cela a soulevé un tollé en Indonésie et un conflit armé couvait. Le président indonésien Soekarno a décidé d’acheter aux Etats-Unis des armes modernes mais il a essuyé un refus catégorique : les Pays-Bas étaient un allié des Américains. Soekarno s’est alors tourné vers l’URSS. Appréciant les avantages géopolitiques de sa coopération avec l’Indonésie, Moscou a commencé à livrer à ce pays des chars, des avions et des bâtiments de guerre modernes. Grâce aux livraisons soviétiques, l’armée indonésienne est devenue une force redoutable.

En 1962, les autorités indonésiennes ont préparé une opération militaire en vue de libérer la Nouvelle-Guinée occidentale. Cependant, les Néerlandais ne voulaient pas céder, les bâtiments de guerre américains et britanniques qui circulaient au large de la Nouvelle-Guinée raffermissant les colonisateurs dans leur résolution. Ces navires pouvaient à tout moment attaquer l’Indonésie. Le gouvernement soviétique a pour sa part décidé de protéger son allié.
En été 1962, douze sous-marins de la flotte soviétique du Pacifique sont arrivés dans le port indonésien de Surabaya. Pour garder le secret absolu, les drapeaux indonésiens ont été hissés sur les submersibles et les marins ont dû mettre des uniformes indonésiens sans insignes de grade. Avant le mois d’août, des officiers soviétiques déguisés sont également apparus à bord de navires de surface de la marine indonésienne. Des pilotes soviétiques étaient eux aussi en état d’alerte dans des aérodromes militaires. Selon certaines informations, le dispositif de frappe soviétique en Indonésie comptait jusqu’à 15.000 hommes.

L’opération militaire a été lancée par les sous-mariniers qui ont pris position devant les côtes de la Nouvelle-Guinée occidentale. Les Américains se doutaient pour leur part de la présence de sous-marins soviétiques. Le commandant de la Septième Flotte américaine a déclaré que les navires américains étaient prêts à attaquer des cibles sous-marines. « Des sous-mariniers pirates russes sont présents au large de la Nouvelle-Guinée occidentale », a-t-il été annoncé à la radio dans plusieurs langues dont le russe. C’était un défi et l’Union Soviétique l’a relevé. Le commandant en chef de la marine soviétique, l’amiral Sergueï Gorchkov, a donné l’ordre suivant : « A partir du 10 août, 00h00, détruire les bâtiments de guerre qui progressent en direction de la Nouvelle-Guinée occidentale sous quelque pavillon que ce soit ». Les militaires se préparaient à une bataille mortelle et les diplomates menaient des négociations exténuantes qui duraient de nombreuses heures. Mais quelques heures avant l’expiration de l’ultimatum, les Néerlandais ont cédé. Ils comprenaient que de toute façon, un conflit avec l’Union Soviétique n’augurait rien de bon. La crise s’est terminée. La Nouvelle-Guinée occidentale est devenue une province indonésienne. Les sous-mariniers soviétiques ont regagné leur pays où ils ont été accueillis en héros.

En 2010, la Russie et l’Indonésie ont célébré le 60-ème anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques. Pendant des solennités, le chef d’état-major de la marine indonésienne Tedjo Edhy Purdijatno a évoqué un monument érigé dans la base navale de Surabaya. Ce monument représente un piédestal surmonté d’un des sous-marins soviétiques qui ont participé à la navigation vers la Nouvelle-Guinée occidentale. Après la victoire sans effusion de sang sur les Néerlandais, l’URSS a offert ce navire à l’Indonésie. Les Indonésiens gardent toujours le souvenir de ceux qui les ont aidés à se débarrasser de colonisateurs et à réunifier le pays.

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