Les dames émancipées
du XXIe siècle ont du mal à se représenter la monotonie et la grisaille de la
vie des femmes russes nobles au XVIIe siècle.
Elle se
limitait aux soucis de ménage, aux prières et aux lectures religieuses. Les
femmes étaient entièrement dépendantes des hommes et personne ne tenait compte
de leurs opinions. Les coutumes sévères limitaient même la liberté des filles
des tsars russes qui sortaient rarement du palais. Les tsarevnas baignaient
littéralement dans le luxe et l’opulence, leurs toilettes et bijoux ne se
comptaient plus mais le palais était leur « cage
en or ». La tsarevna Sofia est
devenue la première femme ayant tenté de recouvrer la liberté.
Le jeune tsar Fédor monta sur le trône russe en 1676.
Ce souverain chétif et sans volonté ne pouvait surveiller ses six sœurs
tsarevnas. Les filles en ont profité et s’amusaient sans retenue : les unes
portaient des robes européennes interdites par l’étiquette, les autres
s’adonnaient aux histoires d’amour. Intelligente et résolue, Sofia était la seule
à dédaigner ces vétilles et c’est la première fois dans l’histoire russe qu’une
femme osa défier les hommes dans la lutte pour le pouvoir.
Sofia a
commencé par aider le tsar malade à gérer les affaires publiques en habituant
peu à peu son entourage à voir une femme participer à la gouvernance. Mais
bientôt Fédor est mort sans descendance. Qui devait donc lui succéder ? Selon
la loi, il y avait deux candidats, les frères cadets du tsar défunt Ivan et
Piotr. Mais si le premier était un simple d’esprit, le second n’avait que 10
ans. Les boyards influents ont décidé de donner le sceptre à Piotr mais Sofia
avait d’autres plans. Elle avait suborné les streltsi (garde prétorienne des
tsars russes). Ils se sont insurgés, ont attaqué le Kremlin et tué les partisans
de Piotr en ouvrant ainsi à la tsarevna la voie du pouvoir. Mais Sofia
comprenait parfaitement que ni les boyards, ni le peuple n’accepteraient jamais
la légitimité d’une femme sur le trône de Russie. C’est pour cette raison que
la tsarevna rusée a préféré mettre sur le trône deux souverains légitimes à la
fois – Ivan et Piotr. Ils ne régnaient en fait que sur le papier parce que le
pouvoir réel sur l’immense pays était exercé par Sofia. Sept ans durant, la
parole de cette femme fit loi en Russie.
En 1689, à
l’âge de 17 ans, Piotr a fermement décidé de devenir un souverain à part
entière. Sofia surveillait avec inquiétude son frère qui grandissait : je jeune
tsar aimait les jeux militaires, s’était constitué une petite armée privée et
l’entraînait au maniement des armes. Sofia avait donc décidé d’éliminer son
frère par les streltsi interposés mais prévenu par ses partisans, Piotr a fui
Moscou. Le peuple, l’armée et les boyards ont pris la cause du souverain
légitime. Bientôt le tsar et revenu à Moscou, a enfermé sa soeur dans un
couvent et fait exécuter ses partisans. Tombée en disgrâce, Sofia ne pouvait
plus quitter le couvent mais n’en menait pas moins un train de vie royal,
entourée de serviteurs, et même les plats servis à sa table venaient du palais.
Pourtant, la tsarevna ambitieuse ne s’est pas résignée à son sort : elle s’est
retrouvée une fois de plus dans une « cage en or » et voulait en sortir à tout
prix.
Le temps
passait. Les réformes entamées par Piotr et sa volonté de transformer la Russie
à l’européenne, engendraient le mécontentement. Les opposants se souvenaient de
plus en plus souvent de Sofia. La tsarevna appelait ses partisans à s’insurger
contre son frère. En 1698, lors d’un voyage du tsar à l’étranger, les
tumultueux streltsi se sont soulevés une fois de plus. Ils ont marché sur
Moscou pour libérer Sofia et la mettre sur le trône mais les troupes loyales au
tsar ont défait les mutins. Les streltsi furent exécutés en masse. Vindicatif,
Piotr avait ordonné de les pendre devant les fenêtres des appartements de sa
sœur.
La tsarevna
fut privée de ses privilèges, encapuchonnée contre son gré et enfermée dans une
cellule du couvent où elle devait se morfondre jusqu’à la fin de ses jours. Tel
était le prix que cette femme intelligente a dû payer pour sa volonté de
s’arracher à la « cage d’or » et recouvrer la liberté et un pouvoir illimité.
La tsarevna Sofia est décédée en 1704 à L’âge de 47 ans.
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