Ce n’est un
secret pour personne que certains livres d’écrivains célèbres sont rédigés par
des auteurs anonymes qu’ils engagent. Depuis Alexandre Dumas ces personnes ont
appelées « nègres littéraires ».
La profession
les oblige à ne pas parler de leur travail, mais l’un deux a accepté de
répondre aux questions de La Voix de la Russie.
Elle est « ghostwriter » et elle se cache sous les
initiale « K.B. ». Cette jeune femme
écrit des livres pour certains écrivains russes, qu’elle ne nommera pas. Mais
elle a donné son accord pour parler de sa profession.
La Voix de la Russie : Comment avez-vous commencé
votre carrière de « nègre littéraire » ?
K.B. : Lorsque mon fils était jeune, il tombait
souvent malade, et je ne pouvais pas aller travailler dans un bureau. Je
cherchais un moyen de travailler depuis chez moi. Grâce à une annonce publiée
sur Internet, j’ai pu rencontrer une dame qui voulait écrire un roman. Il y a
avait déjà un synopsis, et certains éléments des intrigues du roman, mais elle
n’arrivait pas à terminer ce travail. Nous nous sommes rencontrées, nous avons
sympathisé l’une avec l’autre, et je me suis mise au travail. Lorsque le roman
était terminé, ma patronne l’a envoyé à une maison d’édition, et cette maison
d’édition a signé un contrat avec elle sur une série de romans sur le même
thème. Nous avons alors continué notre collaboration. Désormais j’écris les
romans du début à la fin.
LVdlR : Cela doit être psychologiquement dur
d’écrire et de ne jamais voir son nom en couverture?
K.B. : Je n’aime pas me vanter, et cela m’importe
peu que les livres sortent sous mon nom. Mais je me réjouis sincèrement lorsque
ces livres aient du succès.
LVdlR : Engager quelqu’un d’autre pour écrire le
roman, et le signer de son nom, c’est une chose fréquente dans la littérature ?
K.B. : C’est une pratique répandue. J’ai beaucoup
d’amis qui gagnent leur vie comme moi. Toute une équipe de « nègres » travaille
derrière le dos des écrivains connus qui sont publiés régulièrement. Des
auteurs qui sortent plusieurs livres en un mois. Imaginez les volumes
d’information qu’il faut mettre par écrit. Une seule personne n’y arriverait
pas. Mais mon cas est différent. J’écris toute seule pour un auteur concret.
LVdlR : Quels sont les avantages de ce travail ?
K.B. : C’est un travail intéressant. Pour moi, c’est
un exercice littéraire. Il y a des conditions de départ, et il faut créer un
récit en tenant compte des conditions données au départ. Par exemple, ma
patronne me dit : « Je veux une histoire d’une princesse qui est tombée
amoureuse d’un porcher, et ensuite, lorsque la guerre a commencé, ils se sont
envolés dans l’espace ». Ensuite, il y a des conditions définies par la série,
dans laquelle ce livre paraîtra. C’est à moi d’élaborer le sujet, d’inventer
des personnages intéressants et convaincants, et de le faire d’une manière
telle pour que tout puisse paraître vraisemblable.
Un autre avantage : je peux travailler depuis chez
moi. J’ai un emploi du temps flexible, et mes seules obligations temporelles
sont liées au bouclage du livre. Mais par ailleurs, je peux travailler lorsque
j’ai de l’inspiration, et passer plus de temps avec ma famille et mes enfants.
LVdlR : Combien de livres écrivez-vous dans l’année
? Combien de livres édite votre auteur ?
K.B. : Quatre ou cinq, 250 pages pour chaque livre.
Cela fait 1000 à 1250 pages dans l’année. Les éditeurs divisent leur travail en
fonction de la saison. L’été, c’est la « saison morte », mais en automne, ils
peuvent sortir trois livres en même temps. Et puis, certains livres déjà édités
sont parfois réédités. Ainsi, après la sortie d’un livre, ils peuvent rééditer
le même roman en version « poche ».
LVdlR : Quels sont selon vous les inconvénients du
travail d’un « ghostwriter » ?
K.B. : Ce n’est pas mon livre, dans lequel je suis
la seule responsable du contenu. A la demande du patron, je suis obligée
d’apporter des changements à l’œuvre, à l’intrigue, et parfois, cela me semble
fatal par rapport au personnage que j’ai créé. Cela peut être agaçant parfois.
Sinon, il y a les mêmes inconvénients que pour tout travail à distance. Parfois
la patronne m’appelle d’urgence pour discuter d’un détail du livre au moment
qui ne me convient pas.
LVdlR : Avez-vous songé à « sortir de l’ombre » ?
K.B. : Evidemment. Je voudrais en effet écrire
quelque chose sous mon propre nom. Un livre où je serai libre de construire
l’intrigue comme je le veux et avec des mots qui me semblent bons. Mais pour
cela, j’ai besoin de faire le vide dans ma tête et réfléchir à une idée de
synopsis. A force de mettre tout le temps par écrit les idées des autres, je
n’ai plus envie d’écrire lorsque je me repose. C’est trop fatiguant. Mais je ne
perds pas espoir de le faire un jour.
Source
0 commentaires: