dimanche 19 octobre 2014

Les Chinois invités à dénoncer les binationaux


Tous les citoyens de la RPC voulant communiquer des informations sur leurs compatriotes possédant la citoyenneté d’un autre pays pourront le faire grâce à un site Internet spécialisé.

Cette campagne contre la double nationalité est menée en Chine dans le cadre d’une campagne anti-corruption. Mais ce sont les Chinois qui ont étudié à l’étranger qui en pâtissent. Confrontés à un choix, ils renoncent généralement à la nationalité de leur pays d’origine en faveur du passeport d’un autre pays.

A l’heure actuelle, il n’y a pas de loi qui oblige les citoyens chinois à renoncer à leur citoyenneté en cas d’obtention d’une citoyenneté d’un autre pays. Toutefois la double nationalité est interdite en pratique dans ce pays. Le ministère chinois de la Sécurité publique a ordonné d’annuler plus d’un million de hukou (droit de résidence) entre janvier 2013 et juin 2014 en raison de la deuxième nationalité de ces citoyens. Et depuis le 15 juillet, un site Internet spécialisé a été créé, sur lequel les citoyens vigilants peuvent signaler qui parmi les personnes qu’ils connaissent a une double nationalité.

La réticence des autorités chinoises à autoriser en Chine la double nationalité est motivée par la lutte contre la corruption. Selon le rapport de l'Académie chinois des Sciences sociales, depuis le début des années 1990 et jusqu’en 2011, près de 18.000 fonctionnaires chinois ont réussi à s’enfuir du pays avec en tout environ 800 milliards de yuans détournés. Comme le montrent les statistiques du ministère de la Sécurité publique, plus de 500 fonctionnaires accusés de corruption ont quitté la Chine l’année dernière.

« Même si les fonctionnaires ayant la double nationalité sont accusés d’activité illégale, il sera difficile de les punir à cause de leur statut de « citoyens étrangers », reconnaît Ren Jianmig, directeur du Centre d’études et d’enseignement anti-corruption à l’Université Beihang.

Mais les fonctionnaires corrompus ne sont pas les seuls à quitter le pays en masse. Depuis 2010, la Chine est devenue un important foyer de départ à l’étranger pour les étudiants chinois. Cette année-là, 140.000 jeunes chinois sont partis étudier aux Etats-Unis. En tout, depuis 1978, la Chine a envoyé étudier à l’étranger plus de 2 millions de jeunes chinois, dont seul un tiers est revenu après la fin des études, constate le directeur du Centre de la Chine et de la globalisation Wang Huiyao.

Selon les experts des migrations, avec un exode des personnes hautement qualifiées aussi important, la Chine connaît un manque de main d’œuvre étrangère qualifiée. A la fin de 2012, seulement 250.000 spécialistes étrangers possédaient un permis de travail chinois. Dans plusieurs grandes villes du pays comme Pékin, Shanghai ou Guangzhou, la proportion de travailleurs étrangers représente à peine 0,5% de la population totale. A titre de comparaison, à New York, Paris ou Londres, les employés étrangers représentent 20 à 30% de la population urbaine.

Se rendant compte que la RPC connaît une « fuite des cerveaux », en 2004, les autorités chinoises ont adopté une série de mesures visant à attirer les entreprises étrangères en Chine, et notamment les Chinois ethniques de nationalité étrangère. Très peu nombreux étaient ceux qui correspondaient vraiment aux critères pour les investisseurs, définis par les autorités chinoises. Selon la législation chinoise, pour obtenir un « permis de séjour » chinois, il faut investir pas moins de 500.000 dollars dans l’économie des régions les moins développées du pays (il s’agit des régions occidentales) ou un million de dollars dans des projets sur le territoire de la Chine centrale. Ces montants ont découragé et découragent encore la plupart des expatriés chinois qui désirent se réinstaller sur leur patrie historique.

La double nationalité est reconnue dans près de 90 pays du monde, notamment aux Etats-Unis et dans les pays d’Europe, mais aussi en Corée du Sud, aux Philippines, au Brésil et au Mexique. Ce serait prématuré de décider d’autoriser la double nationalité en Chine vu le contexte actuel, s’accordent à dire les experts. Mais les autorités auraient bien pu introduire des cartes spéciales pour les huaqiao (Chinois d’outre-mer), comme l’ont fait les autorités indiennes pour leurs ex-concitoyens. Les titulaires de ce type de document auraient pu revenir et vivre en Chine sans problème et bénéficier des mêmes droits que des Chinois ordinaires, sauf le droit de briguer un mandat public. Cela aurait pu permettre à la Chine de faire revenir la main d’œuvre qualifiée et les experts sans que cela implique des coûts exorbitants, supposent les experts chinois.

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