samedi 7 mai 2011

Rome attend l'apocalypse pour le 11 mai

Panthéon de Rome


Tout le monde en parle. Au café, dans la queue du supermarché, au travail."Qu'est-ce que tu fais pour le 11 mai ?" On s'inquiète entre voisins de palier pour se rassurer aussitôt d'un haussement d'épaules : "Ça n'arrivera pas !" Depuis plusieurs semaines, les Romains réputés pour leur fatalisme trempé par plus de deux mille ans d'histoire jouent à se faire peur en propageant la rumeur d'un tremblement de terre dévastateur prévu pour le mercredi 11 mai.

Le coupable est déjà tout trouvé. Selon les journaux, les blogs et les nombreux sites Internet qui multiplient les informations sur le présumé séisme, il s'appelle Raffaele Bendandi, mais n'est plus là pour se défendre. Mort en 1979, à 86 ans, ce sismologue autodidacte, aurait prévu à la date du 11 mai 2011 un violent séisme sur la capitale italienne, suivi d'autres secousses plus dévastatrices encore pour 2012.

Hanté par les catastrophes sismiques fréquentes en Italie, cet homme a élaboré une théorie "cosmique" selon laquelle les secousses seraient provoquées par l'alignement donné de certaines planètes autour de la Terre. De la même façon que la Lune influe sur les marées, des masses planétaires conditionneraient les oscillations de la croûte terrestre. Pour Bendandi, il suffirait de calculer la position des astres pour prévoir les tremblements de terre.

MALGRÉ LES DÉMENTIS, LA RUMEUR GROSSIT
Snobé par les scientifiques de l'époque, le sismologue amateur mais entêté a déposé ses prévisions devant un notaire de Faenza, sa ville natale. Deux d'entre elles se réalisèrent à la date prévue. Mais la communauté académique continua de l'ignorer. Solitaire, il retourna à ses travaux répétant : "Rien n'arrive par hasard sur la Terre." Seulement voilà, le "coupable" ne l'est pas. Du moins pour Paola Lagorio, qui dirige l'Observatoire de géophysique Raffaele Bendandi. "Il n'a jamais fait aucune prévision de ce type, explique-t-elle. Dans ses archives, il y a effectivement une série de dates entre 1996 et 2013, mais elles concernent les mouvements solaires." Depuis quatre ou cinq mois la voilà obligée de démentir, de rassurer. "Ce n'est pas facile. Je ne peux pas dire aux gens de rester chez eux non plus. On ne sait jamais..."

Alors, la faute à qui ? La réputation maléfique du chiffre 11 ? Exorcisme collectif pour effacer les peurs du récent tremblement de terre du Japon et de celui - le 6 avril 2009 - à L'Aquila où de nombreuses alertes ont été ignorées par les autorités compétentes ? Malgré les démentis des scientifiques, la rumeur grossit. Une page Facebook a été ouverte au nom de "Peut-être un tremblement de terre à Rome" avec un certain succès. A Ciampino, au sud de la capitale, des tracts ont été distribués, invitant la population à passer la nuit dehors "deux jours avant et trois jours après" la date de la catastrophe présumée. La protection civile a dû démentir l'hypothèse d'une alarme. En vain apparemment.

Source
Le Monde, Philippe Ridet (Rome, correspondant), 16 avril 2011
Article précédent
Article suivant
Sur le même sujet

0 commentaires: