vendredi 20 mai 2011

La victime oubliée de la secte d’Algrange



Après l’arrestation du gourou Alain Schmitt, elle s’est décidée à témoigner : une jeune femme de 24 ans, originaire de Moyeuvre-Grande, a passé vingt-deux jours dans la secte Minh Vacma.

Vingt kilogrammes perdus en trois semaines. A force de privation, de marches interminables et de travaux d’intérêt général qui virent aux travaux forcés. Jennifer Ballot avait à peine 19 ans quand elle a croisé la route de la secte Minh Vacma et celle du gourou d’Algrange, Alain Schmitt, qui vient d’être arrêté la semaine passée à Malte (lire RL de mardi). «Je me demande encore aujourd’hui comment j’ai atterri là-bas. Ce que je sais, c’est qu’Alain me fait quelque part encore peur. Bon, c’est vrai qu’il a été interpellé. Mais, c’est psychologique, vous savez, la peur ! »

Blonde, peau claire, la jeune femme cherche constamment à se donner une contenance mais n’y parvient pas. Et remuer ses souvenirs de recluse malgré elle fait remonter à la surface tout ce qu’elle a tenté de refouler au fil des ans. Jusqu’à ne pas s’afficher comme victime, ni faire valoir ses droits en justice. Pire, elle n’a même jamais porté plainte. «Trop peur », répète-t-elle en boucle. Sa fragilité émotionnelle contraste avec son apparente solidité physique. « Il a profité de mes failles. Ensuite, ça a été l’enfer. Comme tous ceux qui y sont passés ! ». En décembre 2004, lorsqu’elle croise une des adeptes à la gare de Luxembourg, la Moyeuvrienne n’est pas très vaillante. Malade au long cours ­ la secte lui soustrait son traitement immédiatement ­, en rupture de ban familial, paumée. Une proie facile. «Alors que je m’étais engueulée avec ma mère, à deux jours de Noël, j’ai appelé et ils sont venus me chercher à quatre. Quatre femmes. Elles m’ont fait miroiter un soutien. Tous se sont mis à me donner des cours parce que j’ai arrêté l’école assez tôt. Alain (Schmitt) me donnait plein de conseils au début. »

Le revers de la médaille est cruel et la jeune femme glisse vers l’incompréhension, puis la détresse. «On ne mangeait que des légumes donc personne n’avait plus de force. Je pense que c’était une technique pour nous contrôler. Ensuite, on marchait tout le temps. De nuit surtout. On nous déposait à des kilomètres et on se débrouillait pour revenir. En plus, on ne dormait que très peu. Avec le Vacma, l’activité physique, la musculation, on était épuisé ». Alain Schmitt ? «Crâne rasé, sur son fauteuil, à demi-aveugle. Il m’a toujours dit qu’il me voyait comme une vague forme blanche. On l’appelait par son prénom ou Sensei (le maître, l’enseignant, en japonais, NDLR) ».

La maison d’Algrange est un lieu de vie aux règles strictes. «On passait la journée à faire du ménage. J’étais dans une chambre, avec chiens et chats. Un jour, je suis restée quatre heures enfermée ! Ils m’ont dit qu’ils avaient juste oublié de remettre la poignée de la porte ». Une étape du conditionnement. «Je ne savais plus très bien qui j’étais. Tellement fatiguée. Tout le monde était si maigre ».

Jennifer est désormais sous influence. De l’organisation «en cercle » qui tient lieu de «voie vers la sérénité» et se termine immanquablement par du sexe, elle ne veut rien dire de précis. Juste cette phrase du gourou : «On va te préparer pour avoir des rapports avec des hommes », lui aurait-il dit. Un jour, vient la punition de trop : «J’avais des ampoules aux mains, aux pieds et on m’a ordonné de laver les six voitures. Là, j’ai décidé de m’enfuir. J’ai fait du stop et je suis arrivée dans un café. Là, j’ai vu passer les six voitures avec tout le monde à bord. Ils me cherchaient. »

Source
Républicain Lorrain, Alain MORVAN, 15/01/2010
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1 commentaire:

  1. Je tai chercher et chercher de tes nouvelle c emeline de moyeuvre si tu te souvient

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