mardi 25 janvier 2011

Judas, le meilleur ami de Jésus

Le Baiser de Judas, peinture de Giotto Di Bondone


(Washington) Le contenu de l'Evangile de Judas, un texte apocryphe du IIe siècle, vient d'être révélé. La Suisse a joué un rôle majeur dans sa conservation et sa traduction.

Lorsque le spécialiste suisse de coptologie Rodolphe Kasser ouvrit pour la première fois en 2001 un antique codex que lui avait remis la fondation bâloise Maecenas en vue d'une traduction, il ne se doutait pas qu'il allait faire une des plus grandes découvertes archéologiques de ces dernières années. Le manuscrit, rédigé dans un dialecte copte, contenait quatre textes sur papyrus. La surprise du professeur Kasser fut immense lorsqu'il se rendit compte que l'un de ces textes n'était autre que l'Evangile de Judas l'Iscariote, un apocryphe gnostique que les milieux scientifiques considéraient comme perdu. «Nous savions cependant que ce texte avait existé, car l'évêque Irénée de Lyon le mentionne au milieu du IIe siècle dans son livre Contre les hérésies, explique Rodolphe Kasser, professeur honoraire de la chaire de coptologie de l'Université de Genève. Les Pères de l'Eglise ont combattu les gnostiques, et ces derniers ont même été persécutés par les païens et les chrétiens. Nombre de leurs textes ont donc été détruits. Et un Evangile selon Judas ne pouvait que choquer les Pères de l'Eglise.» Il était donc raisonnable de supposer que ce texte avait disparu, d'autant plus qu'il ne figurait pas dans la collection de textes gnostiques retrouvés en 1947 à Nag Hammadi, dans le désert égyptien.

Rapidement, Rodolphe Kasser se rendit compte qu'il tenait entre les mains un manuscrit d'une importance exceptionnelle. «En voyant la première page de l'Evangile de Judas, j'ai subodoré que ce texte pouvait être un évangile apocryphe. Il date du IVe-Ve siècle, et c'est l'un des plus anciens manuscrits coptes qui soient.» Pour pouvoir traduire le texte, Rodolphe Kasser a d'abord dû le reconstituer, car il était fragmenté en plusieurs centaines de morceaux. Un puzzle gigantesque, qui lui a demandé cinq ans d'efforts. Le contenu de cet évangile apocryphe a été révélé pour la première fois jeudi à Washington par la National Geographic Society. Le texte a été authentifié par des tests de datation au carbone 14. Composé de 25 feuillets, il est l'unique copie connue à ce jour de l'Evangile selon Judas, qui fut sans doute rédigé en grec dans les milieux gnostiques égyptiens au cours du IIe siècle de notre ère. Il révèle un Judas très différent de celui que présentent les quatre évangiles canoniques. Dans ce manuscrit, Judas apparaît comme un disciple initié qui comprend mieux que les autres apôtres le message de Jésus. C'est d'ailleurs Jésus lui-même qui invite l'Iscariote à le trahir. Dans un des passages clés du document, Jésus dit à Judas: «Tu les surpasseras tous. Tu sacrifieras l'homme qui m'a revêtu.» Comment interpréter ce passage? Selon Daniel Marguerat, professeur de Nouveau Testament à l'Université de Lausanne, «les gnostiques recherchaient la manière de délivrer leur énergie vitale du corps matériel pécheur dans lequel l'âme était emprisonnée. Ils ont vu dans Judas l'homme qui a permis à Jésus de s'évader de sa prison charnelle pour montrer la voie que devaient suivre tous les gnostiques.»

Le texte révélé jeudi «ne dit rien sur le Judas historique, ni sur ce qui s'est passé entre lui et Jésus, poursuit Daniel Marguerat. Les gnostiques se sont emparés de la figure de Judas parce que les évangiles canoniques sont silencieux sur le geste de l'Iscariote. Etant des chrétiens marginalisés, ils avaient besoin de figures de référence différentes de celles des chrétiens orthodoxes. Judas était donc un personnage rêvé à leurs yeux.» Selon Rodolphe Kasser, «les milieux gnostiques dépréciaient les personnages importants du Nouveau Testament. Dans l'Evangile de Judas, Jésus oppose l'Iscariote aux autres apôtres, qui sont décrits comme des gens stupides incapables de comprendre les idées gnostiques que Jésus leur explique.»

En lisant l'Evangile de Judas, on comprend facilement pourquoi il a pu paraître hérétique aux yeux d'un Irénée de Lyon et de l'orthodoxie chrétienne. Dans la première scène, Jésus s'approche de ses disciples rassemblés pour célébrer l'eucharistie. Voyant cela, il se moque d'eux. D'autres passages montrent Jésus enseignant à Judas seul «des secrets que personne n'a vus», une situation caractéristique du gnosticisme. Or, pour l'Eglise primitive, le message du Christ n'avait rien de secret et se voulait universel.

A l'instar de tous les autres textes apocryphes connus à ce jour, l'Evangile de Judas contribue à attester la grande diversité du christianisme primitif. «La découverte étonnante de l'Evangile de Judas comme de ceux de Marie-Madeleine et de nombreux autres de ces documents dissimulés pendant près de 2000 ans bouleverse notre compréhension de l'aube du christianisme, a déclaré jeudi à Washington Elaine Pagels, professeure de religion à l'Université de Princeton et spécialiste des évangiles gnostiques. Ces découvertes font voler en éclats le mythe d'une religion monolithique et montrent combien le mouvement chrétien était réellement divers et fascinant à ses débuts.»

Découvert dans le désert égyptien près d'El Minya dans les années 70, le codex contenant l'Evangile de Judas a été acquis par un bijoutier égyptien. Il a ensuite été volé, et on le retrouve à la fin des années 70 dans les mains d'un commerçant grec qui l'emporte avec lui à Genève. Curieusement, le bijoutier égyptien rejoint ce dernier et les deux hommes font alliance pour vendre le manuscrit. Un témoin fiable, le professeur de coptologie Stephen Emmel, atteste avoir vu ce codex à Genève en 1983. Il était censé l'acheter pour le compte d'une université texane. Emmel affirme avoir traité avec un Egyptien et un Grec. Les deux hommes, conscients de la valeur du manuscrit, demandaient une somme de 3 millions de dollars pour le codex et d'autres manuscrits. Ils refusaient de vendre le codex séparément. Emmel n'ayant que 50 000 dollars à disposition, l'affaire échoua.

Le codex disparut pendant vingt ans. Dans les années 90, on le retrouve de manière inexpliquée dans la région de New York, où il croupit dans le coffre d'une banque à Hicksville. En 1999, l'antiquaire zurichoise Frieda Nussberger-Tchacos réussit à l'acheter. Elle tente d'abord de le vendre à la bibliothèque Beinecke de l'Université Yale, sans succès. Constatant la dégradation du manuscrit, l'antiquaire le remet alors en février 2001 à la Fondation Maecenas, qui entreprend de le faire traduire par une équipe dirigée par le professeur Rodolphe Kasser.

Le manuscrit porte désormais le nom de Codex Tchacos. Il sera remis à l'Egypte et conservé au Musée copte du Caire. Une partie de l'Evangile de Judas fait actuellement l'objet d'une exposition au siège de la National Geographic Society à Washington.

Sources
Le temps.ch
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2 commentaires:

  1. Judas l apôtre préfèré de jésus.
    Celui qui a eu l immense privilège de réaliser la prophetie

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  2. Judas l apôtre préfèré de jésus.
    Celui qui a eu l immense privilège de réaliser la prophetie

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