lundi 13 juin 2011

Les prisons du Malawi hantées par des sorciers



LILONGWE (Malawi) - A 82 ans, Kanthukako Supaunyolo a été accusée par ses propres enfants d'avoir jeté un sort à son petit-fils. Cette mise en cause l'a menée directement en prison, comme les dizaines de sorciers présumés détenus au Malawi.

Les déboires de la vieille dame ont commencé une nuit quand le garçon s'est réveillé en saignant du nez, ce qui est considéré comme un présage funeste dans ce petit pays d'Afrique australe très superstitieux.

Immédiatement, ses parents ont cherché l'esprit maléfique responsable du saignement et ont mis en cause Kanthukako Supaunyolo et deux de ses amies, Liness Nkhukuyalira, 62 ans, et Nurse Nthala, 72 ans.

L'affaire a été portée en justice et les trois femmes ont écopé d'une amende de 33 dollars chacune. Vivant avec moins de 2 dollars par jour comme 62% de la population, elles n'ont pas pu payer et ont été écrouées.

Au Malawi, les gens détestent les vieux. Ils pensent que tous les vieux doivent être des sorciers!, explique Mme Nkhukuyalira, libérée avec ses amies après le paiement de l'amende par une association de défense des droits de l'Homme.

Nous avons subi cette injustice parce que nous sommes pauvres et vieilles, renchérit Mme Supaunyolo. La police est trop zélée et arrête des personnes innocentes qu'elle accuse de sorcellerie, ce qui ne peut être prouvé devant un tribunal!

Mais les forces de l'ordre assurent agir dans l'intérêt des personnes accusées de sorcellerie, afin de les protéger de la vindicte populaire.

Les accusations de sorcellerie ont atteint un point critique au Malawi, de nombreuses personnes faisant justice elles-mêmes, explique le porte-parole de la police Davie Chingwalu. 

Une vingtaine de personnes soupçonnées d'être des sorcières sont tuées chaque année dans le pays, le plus souvent battues à mort, précise-t-il.

La croyance dans la magie est profondément ancrée dans l'ancienne colonie britannique: on y accuse des sorciers de tout et n'importe quoi, des décès inexpliqués à la propagation du sida en passant par le niveau des pluies.

Selon une loi de 1911 datant de l'époque coloniale, il est illégal d'accuser quelqu'un de sorcellerie, ou de se prétendre sorcier. Mais dans la pratique, les tribunaux du pays condamnent régulièrement des individus accusés de sorcellerie pour troubles à l'ordre public, afin d'éviter des lynchages.

Actuellement, quelque 50 sorciers supposés croupissent en prison, selon l'Association pour un humanisme séculier (ASH), fondée l'année dernière dans le but de lutter contre ces abus.

Ces derniers temps, il y a eu une recrudescence des arrestations et des condamnations de gens accusés de sorcellerie, précise à l'AFP George Thindwa, le directeur général d'ASH. Nous voulons obtenir leur libération, car ils sont 100% innocents.

Son groupe veut notamment voir libérer le plus vite possible les sorcières les plus âgées. La semaine dernière, il a aidé une femme de 83 ans à sa remise en liberté après trois ans de prison. Elle avait été accusée d'avoir provoqué la mort d'un enfant par magie noire.

Deux autres femmes, de plus de 75 ans, restent détenues. Elles sont malades, âgées et ont besoin de soins médicaux de toute urgence, selon M. Thindwa.

Parallèlement, le gouvernement réfléchit aux moyens d'amender la loi de 1911, souvent contournée, afin de mieux protéger les droits des victimes, en particulier des femmes et des enfants, particulièrement visés par les accusations de sorcellerie.

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Romandie News, 07 juin 2011
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