C'est une maison jumelle d'un étage, quasi neuve, dans un quartier paisible de Biganos, sur les bords du bassin d'Arcachon.
« Il n'y a pas de fantômes », assurent, en souriant, Charlotte et Jean-Marc Mariole, qui s'y sont installés il y a tout juste une semaine, après avoir passé moins d'un mois dans une maison de Port-Sainte-Marie, dans le Lot-et-Garonne, qu'ils trouvaient « trop vieille » à leur goût.
Pas aussi vieille, néanmoins, que leur précédent logement à Frodsham, dans le nord de l'Angleterre, qu'ils ont habité pendant un an et quitté en avril, fatigués, au propre comme au figuré, de cohabiter, comme ils l'affirment et continuent à le raconter, avec des fantômes qui ne leur laissaient « aucun répit ».
De mort violente
Charlotte, originaire de Mérignac, en banlieue bordelaise, en a profité pour retrouver un peu de ses racines. Le bord de mer manquait aussi à Jean-Marc, né à l'île Maurice. En arrivant à Biganos, le couple Mariole n'a rien caché de ses mésaventures anglaises à leur nouveau propriétaire, un artisan qui n'avait pas forcément lu le « Sun » ou le « Daily Mirror », où l'histoire de ces Français a fait la Une. « C'est hallucinant », éclate de rire Charlotte Mariole, en ouvrant sa porte, prête à raconter, de nouveau et dans les moindres détails, son année avec les esprits.
Tout juste marié, le couple a choisi de s'installer dans le nord de l'Angleterre « pour le travail », à Frodsham, une petite ville « moins chère que Londres », dans une vieille maison inhabitée depuis plusieurs années.
« Personne ne nous a rien dit, alors que tout le monde savait. C'était l'omerta dans ce petit village. On ne savait pas encore que les anciens propriétaires, des Irlandais aisés qui avaient construit la maison en 1859, étaient tous morts de mort violente dans la maison. On saura aussi plus tard que deux voisins se sont pendus en face de chez nous », raconte Charlotte, avec volubilité et force gestes.
Le couple s'installe au deuxième et troisième étage de la maison : « C'est le début de l'histoire rocambolesque. » Charlotte se souvient d'abord du boucher, au rez-de-chaussée, « qui commençait à siffler à 5 heures du matin » : « J'ai compris plus tard qu'il avait peur des fantômes et sifflait pour s'en prémunir. » Au bout d'un mois, les esprits « se manifestent » chez les Mariole : « La première fois, je jouais au piano. J'ai entendu quelqu'un respirer fort derrière moi et senti une forte odeur de tabac », précise Jean-Marc, avec calme.
Dans le studio de musique, déjà aménagé dans la nouvelle maison de Biganos, le musicien évoque les « touches du piano qui jouaient toutes seules », des « coups frappés forts contre les murs quand je jouais de la ''dance'', ou au contraire les ombres blanches qui dansaient sur une musique plus classique, plus triste ».
Charlotte enchaîne, avec le plus grand naturel, sans chercher à convaincre ses interlocuteurs sceptiques, sur « les portes des placards qui claquent, le rideau de douche qui s'ouvre et se ferme, les phares de la voiture qui s'allument, le moteur qui démarre tout seul, une ombre assise dans l'escalier, les coups sur les portes, le lit qui se soulève » : « Ça donnait la chair de poule. »
Des amis n'y croient pas. Pourtant, « un copain est venu un dimanche, il a entendu une porte claquer alors qu'elle ne bougeait pas. Il est reparti aussitôt », répliquent les époux.
Un livre et un film
Le couple a fait venir un médium, des chercheurs, « tous témoins de ces mêmes phénomènes » filmés en vidéo. « Un prêtre a récité des prières et laissé de l'eau bénite. Tous nous ont conseillé de partir très vite. » La presse s'en est mêlée. Jean-Marc et Charlotte, qui ont souvent dormi à l'hôtel « pour avoir la paix », ont finalement quitté l'Angleterre fin avril.
Croyaient-ils aux fantômes avant de s'installer à Frodsham ? Jean-Marc convient qu'il en avait déjà « vus » dans un studio d'enregistrement, près de la Tour de Londres : « Un musicien effrayé n'a pas pu y revenir avant deux semaines. » Charlotte confie qu'après le décès de sa mère, il y a deux ans, elle a senti « sa présence » et entendu « le téléphone sonner dans la maison vide de Mérignac ».
À Biganos, ni esprits, ni fantômes. Des voisins tranquilles. « On respire », glisse le couple qui projette d'écrire un livre, un film et même des chansons sur leur histoire. Ils ont déjà le titre : « Le boucher, le bijoutier et le pendu. » Une histoire pour insomniaques, à moins que ce ne soit un conte à dormir debout.
Source
SudOuest.fr, 6 juin 2011, Bernadette DUBOURG
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