Les habitants de cette commune du Cher veulent empêcher un groupement d’adeptes de la méditation transcendantale de s’installer chez eux.
Secte ou pas secte ? Telle est la question. C’est du moins celle que se posent depuis deux mois les 312 âmes qui peuplent Sidiailles, petit village perdu dans la campagne berrichonne. En février, les habitants de la commune ont découvert que, derrière la société civile immobilière (SCI) qui convoite un terrain de 6 hectares en plein cœur de leur bourg, se « cache » en fait un groupement d’adeptes de la méditation transcendantale. Technique de relaxation qui consiste à se « recentrer » en méditant vingt minutes matin et soir, la méditation transcendantale – « MT » pour les intimes – est un procédé de « développement de la conscience » qui « ne fait appel ni à un changement de mode de vie, ni à des croyances philosophiques », assure-t-on dans ses rangs. Cela ressemble à du yoga ? « C’est du yoga », assure Bernard Jamois, professeur de MT. Yoga de luxe pour stars qui a compté les Beatles parmi ses fidèles, et qui est aujourd’hui promu par le cinéaste David Lynch.
Si la découverte de la spiritualité à l’indienne a pu faire des émules chez les urbains stressés, il n’en est pas de même dans nos campagnes. « On ne veut pas de ces gens-là chez nous », commente sobrement un villageois. Il faut dire que, sous ses dehors pacifiques, la méditation transcendantale fait peur. Citée dans le rapport Vivien de 1983 sur les sectes et un rapport parlementaire datant de 1995, la MT n’est pas précisément en odeur de sainteté auprès des associations de lutte contre les dérives sectaires. « C’est de la psychose, se défendent Bernard Jamois et Dominique Lemoine, président de MT France. C’est une réaction spécifique à ce pays : on diabolise tout ce qui touche à la spiritualité. La MT a été classée comme secte sans que personne ne vienne consulter ou interroger ses dirigeants. » De fait, si la méditation transcendantale est bien dans le collimateur de certaines associations, aucune condamnation n’est à porter à son discrédit. Un casier vierge qui n’empêche pas les villageois d’être méfiants, reprochant aux membres de la MT d’avancer masqués. « Pourquoi avoir fait leurs plans en secret s’ils n’avaient rien à cacher ? » interroge une jeune conseillère municipale, qui rappelle que c’est tout à fait par hasard que les élus ont appris la vérité sur le lotissement.
En octobre 2010, la SCI « Village Jardin Sidiailles » signe un compromis de vente avec une vieille dame du village qui cherche à vendre son terrain sans succès depuis dix ans. Les membres de la société, qui « partagent des valeurs communes », exposent leur projet à madame le maire : viabiliser le terrain et le découper en parcelles, qui seront revendues et sur lesquelles devraient être construits une quarantaine de pavillons. L’affaire reste jusqu’au mois de février un petit secret entre la première élue de la commune et ses potentiels futurs administrés. Il faudra attendre que le premier adjoint s’invite à une réunion et demande à voir les plans du lotissement pour que tout soit révélé. Inquiet de la tournure que prennent les événements, l’élu informe le reste du conseil municipal et commence à se renseigner sur les membres de la SCI, dont deux vivent dans la commune voisine. Il apprend alors qu’ils font partie de la médiation transcendantale. « On a été voir ce que c’était sur Internet. Au début, on s’est fendu la gueule, mais très vite on s’est dit “C’est quoi, ce truc ?” » témoigne l’un des conseillers municipaux. « Il y a quelque chose de pas net derrière tout ça, assure une jeune élue. Toutes ces portes fermées quand on pose des questions, c’est pas clair, et nous, on ne veut pas de ça ici. »
L’hostilité des habitants a, de leur propre aveu, rebuté les membres de la SCI d’avancer à visage découvert, malgré un projet qui semble on ne peut plus consensuel : une résidence dédiée à l’écologie, aux énergies renouvelables et aux produits bio consommés entre jeunes retraités qui cherchent la tranquillité. Une tentative avortée de s’installer dans un autre village du Cher, en 2007, les a également rendus plus prudents dans leur manière de se présenter. A l’époque, leur projet était aussi très différent : construire, sur un terrain agricole, une « tour de l’invincibilité », haute de 48 mètres, qui servirait plus ou moins à méditer pour la paix dans le monde. Ce précédent, et la crainte que l’association ne tienne « un double discours : un à ses adeptes, un autre aux villageois », a conduit les Sidiaillais à s’organiser pour contrer le projet. La possibilité d’un rachat du terrain par la commune devait être étudiée au cours d’un conseil municipal mardi soir. Mme le maire ne s’y est pas présentée. Victime d’« attaques violentes » de la part du conseil municipal, qui la suspecte fortement de prendre le « parti de la secte », elle assure aujourd’hui vouloir que « tout ça finisse ». Pour ce, Sidiailles devra débourser 135.000 €.
Source
France Soir, 26 mai 2011, Kael Serrer
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