jeudi 24 mars 2011

2012, la fin du monde ?

Cité Maya


La rumeur court, elle enfle et ira sans doute crescendo jusqu'au solstice d'hiver 2012 : les Mayas ont prédit la fin du monde pour le 21 décembre de cette année-là. Et un film récemment sorti sur les écrans va sans doute alimenter cette rumeur en lui donnant corps.

Peut-être le monde disparaîtra-t-il dans trois ans, ce jour de décembre mais les Mayas ne l'ont pas annoncé. Rien dans ce que nous connaissons de leurs écrits ne permet de dire que ces Amérindiens ont fait une telle prophétie. C'est une extrapolation sans fondement de leur conception cyclique de l'histoire.

Le destin des unités de temps appelées kin, uinal, tun, katun et baktun (1) était, dans le cadre de la civilisation maya, sous la dépendance de leurs dénominations tirées d'un calendrier divinatoire connu sous le nom de Tzolkín (2). Un intervalle de 13 baktuns ou 1 872 000 jours devait s'écouler avant qu'une même quintuple dénomination tirée du Tzolkín ne revienne. Cet intervalle de temps est la durée de ce que les mayanistes appellent le grand cycle. Le grand cycle en cours a commencé le 11 août 3114 (3) av. J.-C. et la quintuple dénomination que le Tzolkín associait à ce jour sera aussi celle du 21 décembre 2012. De ce fait, avec le lever du soleil du solstice d'hiver 2012, comme avec celui du 11 août 3114 av. J.-C., commencera un nouveau grand cycle ; ce qui suppose que le grand cycle dans lequel nous vivons se soit achevé avec le coucher de soleil du jour précédent.

Tel est sans doute le fondement de cette rumeur. Mais les Mayas n'ont rien écrit qui permette de dire que ce jour de décembre 2012 sera celui de la fin du monde. Leurs écrits tendraient même à étayer le contraire.

Dans la cité de Palenque (4), K'inich Kan B'alam II, le successeur du grand roi K'inich Janaab' Pakal I (5), éleva trois temples (6) regroupés autour d'une place centrée sur une petite pyramide radiale. Les archéologues ont baptisé cet ensemble " Groupe de la Croix ". Le mur du fond de l'un de ces temples, le Temple de la Croix, porte un panneau dont le centre est occupé par la représentation de K'inich Kan B'alam II faisant face à son père et prédécesseur sur le trône de Palenque. Encadrant ces deux personnages, un texte glyphique raconte une histoire dont le récit commence avec la mention de la naissance de la Première Mère un jour de décembre 3121 av. J.-C., c'est-à-dire durant le grand cycle précédant celui dans lequel nous vivons. Le récit se poursuit pendant le grand cycle en cours, notamment par la relation de la naissance du premier fils de la Première Mère, en octobre 2360 av. J.-C., et l'intronisation de cette dernière comme premier souverain de Palenque, en 2305. Le 11 août 3114 av. J.-C. n'est qu'évoqué pour dire qu'à cette date le nouveau grand cycle commença après qu'une période de 13 baktuns se fut achevée. Aucun événement cataclysmique n'est mentionné qui aurait provoqué la fin du monde en même temps que celle du précédent grand cycle.

Par ailleurs, la date correspondant au 21 octobre 4772, donc qui appartient au grand cycle suivant celui dans lequel nous vivons, est inscrite sur l'un des panneaux du Temple des Inscriptions de cette cité de Palenque sans qu'il soit fait mention d'une quelconque fin du monde qui aurait eu lieu 7 baktuns et 8 kins plus tôt, soit le 21 décembre 2012.
Dès lors, il n'y a aucune raison d'attribuer aux Mayas la prophétie selon laquelle 13 baktuns après le 11 août 3114 av. J.-C., c'est-à-dire le 21 décembre 2012, le monde connaitra sa fin.
A titre subsidiaire. Le lecteur aura compris que les Mayas utilisaient un calendrier différent du nôtre. C'est parce qu'un événement, qui se produisit durant la colonisation, fut daté dans les calendriers maya et julien qu'il fut possible d'établir une corrélation entre ces deux calendriers. A la base de cette corrélation, déterminée par J.T. Goodman et marginalement modifiée par J.Martinez et J.E.S Thompson, il y a notamment la thèse selon laquelle les Mayas ne corrigeaient pas le décalage entre la durée du Haab (leur année de 365 jours) et celle de l'année solaire tropicale. Dans le cadre de notre système calendaire le retour périodique de l'année bissextile assure la résorption d'un tel décalage. Or, la probabilité est forte pour que les Mayas, qui connaissaient la durée de l'année solaire tropicale, aient procédé à une telle résorption avec un système différent de celui que nous utilisons (7).

Dès lors le nouveau grand cycle ne devrait pas commencer le 21 décembre 2012 mais avec le solstice d'hiver 2014 (7).

Lexique
(1) 1 kin = 1 jour ; 1 uinal = 20 kins ; 1 tun = 18 uinals ; 1 katun = 20 tuns ; 1 baktun = 20 katuns
(2) Calendrier divinatoire de deux cent soixante dénominations résultant de la combinaison des treize premiers nombres et de vingt noms.
(3) Qui, dans le calendrier maya de la période classique s'écrivait 13.0.0.0.0 4 ahau 8 cumkú. Cette date est intégralement inscrite sur la stèle c de la cité de Quiriguá (Guatemala).
(4) Cité du Chiapas, Mexique
(5) Rois dont les règnes couvrirent la quasi-intégralité du septième siècle et les premières années du huitième.
(6) Le Ttemple de la Croix, le Temple de la Croix feuillue, le Temple du Soleil
(7) Pour de plus amples développements, le lecteur pourra se reporter au "Temps des Mayas" (http://andre.segura1.free.fr/index.htm)

Source
Le Monde, André SEGURA (Maître de conférences des universités), 17 novembre 2009
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