mercredi 28 mars 2012

La prophétie dite de saint Malachie


Voici, pour répondre aux désirs de plusieurs de nos lecteurs, quelques précisions sur la prophétie dite de saint Malachie.

Ce document est une liste de 101 brèves légendes dont 71 sont applicables aux Papes qui ont précédé Grégoire XIV (1590) et 37 à ses successeurs. Saint Malachie, auquel on l’attribue, n'est pas le « petit prophète » du même nom, mais un moine irlandais, archevêque d'Armagh, qui mourut en 1149 et fut canonise par Clément IV. Sa « prophétie » daterait du pontificat de Célestin II, qui fut élu en 1143. Mais il importe de noter qu'elle ne fut publiée qu'en 1590 et qu'on a aucune donnée ni sur le manuscrit primitif ni sur la bibliothèque où il aurait été déposé.

Cette absence de toute indication antérieure à 1590 est déjà un préjugé contre l'authenticité du document. Et cette impression défavorable se renforce singulièrement à constater le contraste frappant entre l'étonnante précision des légendes qui concernent les Papes antérieurs à 1590 et le vague des devises subséquentes.

Les premières légendes, celles qui s'appliquent aux Papes antérieurs à la publication du document (1590) sont d'une clarté parfaite et se rapportent à des réalités très concrètes nom, prénom, lieu d'origine, détails des armoiries. C'est ainsi, par exemple, que Anastase IV, dont le nom de famille était Suburra, a pour devise Abbat Suburranus ; Grégoire XII, qui fut évêque de Nègrepont, est désigné par ces mots : le pilote de Nègrepont ; Caliste III, qui avait un bœuf dans ses armoiries, a pour légende : Un bœuf puissant.

Par contre, à partir de 1590, les devises assignées aux Papes sont presque toutes ou des jeux de mots obscurs ou des énigmes indéchiffrables ou des sentences d'ordre moral si imprécises qu'il ne sera jamais malaisé de leur trouver un accomplissement dans quelque pontificat que ce soit. C’est ainsi qu'à tout Pape peut convenir la devise attribuée à Pie X : Ignis ardens (feu ardent) et qu'on trouvera jusqu'à la fin sur le siège de Pierre et dans l'Eglise de quoi vérifier la Fides intrepida (foi intrépide).

Reconnaissons cependant en toute loyauté que, parmi les devises postérieures à 1590, quelques-unes (très peu, du reste), ont paru admirablement confirmées par les événements. Peregrinus apostolicus, disait de Pie VI la prophétie or ses nombreux exils, son enlèvement à Savone, sa mort à Valence font bien de lui un pèlerin apostolique. Et Aquila rapax : l'aigle ravisseur, n'est-ce pas une légende merveilleusement appropriée à Pie VII, qui fut enlevé de Rome par Napoléon I« dont l'emblème héraldique était l'aigle?

Ce sont ces coïncidences remarquables qui assurent encore du crédit dans certains milieux catholiques à la « prophétie de saint Malachie ». Mais elles sont trop rares pour neutraliser l'impression défavorable que laisse l'étude loyale du document entier et c'est pourquoi des autorités historiques comme les Grands Bollandistes, les Pères Jésuites des Etudes, Mgr Battandier, se sont nettement prononcés contre son authenticité.

Voici les légendes que la « prophétie » assigne aux huit Papes qui doivent succéder à Pie X jusqu'à la fin du monde :

Religio depopulata : la chrétienté dévastée.
Fides intrepida : la foi intrépide.
Pastor angelicus : le pasteur angélique.
Pester et nauta : pasteur et pilote.
Flos florum : fleur des fleurs.
De mediedate lutue : de la moitié de la lune
De labore solis : de l'épreuve du soleil.
De gloria olivae : de la gloire de l'olivier.

On remarquera combien quelques-unes de ces devises sont obscures, combien les autres sont générales et susceptibles de multiples interprétations.

Il nous souvient que pendant le Conclave où Pie X fut élu, on se demandait à qui pouvait s'appliquer la devise : Ignis ardens qui devait être, d'après la prophétie, celle du futur Pape. Et l'on en indiquait quatre dans le Sacré Collège : le cardinal Gotti, qui a dans ses armes une torche ardente ; le cardinal Svampa, dont le nom signifie flamme dans la langue poétique italienne et qui avait dans ses armes un soleil d'or ; le cardinal Oroglia, qui avait dans ses armes un autel où brille le feu du sacrifice ; enfin le cardinal Serafino Vannutelli, les séraphins étant des esprits de feu. On n'avait pas pensé au cardinal Saito ; ce fut cependant lui qui fut élu et il a réalisé magnifiquement la devise, mais dans un autre sens. La légende suivante religio depopulata, n'offre pas de base plus sûre aux prévisions des augures, car il est évident que l'état présent de l'Europe justifiera son application à l'élu du Conclave, quel qu'il soit.

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